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Réduire l'absentéisme

Un salarié sur trois s’est arrêté de travailler au moins une fois dans l’année en 2013

Il faut distinguer « absence » (le fait d’être absent de son poste de travail) et « absentéisme », qui fait appel à un phénomène collectif. Les définitions de l’absentéisme différant, nous partirons de celle du réseau Anact-Aract : « l’absentéisme caractérise toute absence qui aurait pu être évitée par une prévention suffisamment précoce des facteurs de dégradations des conditions de travail entendus au sens large : les ambiances physiques mais aussi l’organisation du travail, la qualité de la relation d’emploi, la conciliation des temps professionnel et privé, etc. ». De cette définition nous retiendrons deux points essentiels : le lien de l’absentéisme avec les conditions de travail et la nécessité de le prévenir avant sa survenue.

Une politique efficace de réduction de l’absentéisme ne peut donc pas faire abstraction de l’analyse des conditions de travail.

Radiographie de l’absentéisme en France

La durée moyenne d’absence est de 34,6 jours par an en France. Si la majorité des absences (deux tiers) sont inférieures à 9 jours, il n’en reste pas moins que des petites absences fréquentes perturbent plus le fonctionnement organisationnel qu’une absence de longue durée. Les arrêts de plus de 6 mois sont dus, pour plus de la moitié, aux troubles musculo-squelettiques (TMS) et aux troubles mentaux (dont la dépression).

Les secteurs les plus touchés par l’absentéisme sont la santé et les services. Il existe des variations des taux d’absentéisme selon l’âge (les 30-39 s’absentant le plus, souvent du fait d’une interaction entre vie personnelle et vie professionnelle), selon le genre (les femmes, plus souvent employées à des postes sous qualifiés et pénibles, sont plus souvent arrêtées) et selon le statut (plus le statut s’élève, moins les absences sont longues et répétées).

Parmi les causes liées à la vie personnelles pouvant expliquer des absences non prévues notons que 15% à 20% de la population salariée souffre d’une maladie chronique en France, et que 16% des salariés s’occupent d’un proche dépendant. Dans les deux cas, les absences seront plus fréquentes que pour le reste de la population salariée.

De l’intérêt de mettre en place un plan de prévention de l’absentéisme

Le coût de l’absentéisme est très élevé : Les arrêts maladie représentent en moyenne l’équivalent de 40 emplois à temps plein dans une entreprise de 1 000 salariés. Au niveau national, c’est, a minima, une facture de 60 milliards d’euros représentés par :

  • Des coûts directs évalués à 5,8% de la masse salariale (maintien du salaire de l’employé absent, coût de son remplacement temporaire éventuel, « perte de valeur ajoutée » liée aux retards, à la baisse de la qualité…)
  • Des coûts indirects liés à la prévention, à la prévoyance, aux cotisations dédiées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, à la réorganisation des collectifs de travail, au temps de formation des remplaçants, à la mauvaise image de l’entreprise, à la charge administrative…

Le sociologue Denis Monneuse estime ainsi que le coût de l’absentéisme s’élèverait jusqu’à trois fois le taux horaire du salarié absent.

La répercussion des absences au niveau humain est également importante que ce soit sur le management intermédiaire ou le collectif de travail (remplacement au pied levé des absences, efforts d’organisation, répartition de la charge de travail sur les autres salariés…).

De l’absentéisme mais pas que…

Si l’absentéisme est un élément d’alerte, généralement pris en compte dans le pré diagnostic des risques psychosociaux, il ne représente pas le seul signe d’alerte. Ainsi, bien que le niveau de présence au travail reste stable globalement depuis quelques années, on note des signes de désengagement dans la population salariée française :

  • 13 % des collaborateurs reconnaissent « faire de la présence pour faire de la présence souvent ou très souvent » (ce qui représente une des formes du présentéisme) et cette attitude est en augmentation de 5% depuis 2010.
  • 24 % des salariés déclarent ne pas être malade mais avoir envie de prendre un arrêt maladie (contre 18% en 2009).

Un préalable : l’analyse de l’absentéisme au sein de sa structure 

Il convient d’identifier les différents types d’absentéisme, leur durée et fréquence. La création d’un tableau de bord permettra de suivre différents points :

  • Les tendances générales de l’absentéisme dans le temps
  • La durée des absences ; les absences étant traditionnellement classées en 3 catégories : courtes (moins de 10 jours), moyennes ou longues (plus de 3 mois).
  • La dispersion ou la concentration des absences
  • Les secteurs de l’entreprise concernés
  • L’influence de la démographie (existe-t-il des différences selon le genre ? l’âge ?).

Le taux d’absentéisme peut être comparé aux chiffres nationaux : en général, un taux en dessous de 4% est considéré comme faible, au-delà de 8% la situation devrait susciter une interrogation. Cependant, il faut veiller à comparer ce qui est comparable : s’agit-il du même mode de calcul du taux d’absentéisme ? y a-t-il la même exposition aux facteurs de pénibilité ? existe-t-il des différences en termes de données sociodémographiques ? et, dernier point important, le dispositif d’indemnisation peut-il influencer le taux d’absentéisme (existence ou non d’un délai de carence) ?

La démarche de prévention

L’ANACT propose un processus qui se déroule par étapes successives, mettant en jeu les différents acteurs de l’organisation.

  • Recenser et réunir les acteurs afin d’enclencher une démarche participative
  • Mettre en place un groupe de travail paritaire (par exemple avec le CHSCT).
  • Proposer un programme pour ce groupe :
    • Mesurer l’absentéisme à l’aide d’indicateurs pertinents
    • Analyser les causes, produire et valider des données chiffrées
    • Proposer des actions visant à remédier aux causes principales
    • Trier les actions selon leur horizon temporel (actions à court, moyen ou long terme) et les articuler en un plan d’action cohérent dans la durée
    • Informer et sensibiliser (définir un plan de communication sur les résultats du groupe de travail et les actions prioritaires qui vont être engagées)
  • Mettre en mouvement l’ensemble de la chaîne managériale (sensibiliser, former, fixer des objectifs, etc.).
  • Réunir le groupe de travail à intervalles réguliers pour faire le point sur les progrès réalisés
  • Communiquer à partir des résultats obtenus et faire bénéficier les salariés des économies réalisées du fait de la baisse de l’absentéisme.

Les actions possibles de prévention de l’absentéisme

En 2014, 92% des entreprises sondées dans le cadre du livre blanc, référentiel de l’absentéisme, déclaraient avoir mis en place au moins une action de prévention de l’absentéisme, parmi lesquelles :

  • Information de l’ensemble des acteurs sur la situation et les conséquences économiques et organisationnelles liées à l’absentéisme. Cette communication, qui doit éviter d’être culpabilisante, peut être l’occasion de rappeler les règles d’usage en cas d’absentéisme : obligation sous 48 heures de transmettre la justification de l’arrêt, prévenance rapide des encadrants de proximité, etc.
  • Demande de contre-visites médicales au domicile des salariés absents. Cette mesure de contrôle est parfois nécessaire mais ne peut pas être considérée comme une méthode infaillible pour réduire l’absentéisme. Son usage peut être mal perçu par les salariés qui, dans la majorité des cas, s’arrêtent pour des raisons impératives et involontaires. De plus, le contrôle médical représente un coût pour l’entreprise, et, dans la majeure partie des situations, le médecin contrôleur confirme le diagnostic initial de son confrère.
  • La visite de pré-reprise pour les absences maladie de plus de 3 mois (article R. 4624-20 du Code du travail) par le médecin du travail à l’initiative du médecin traitant, du médecin conseil de la Sécurité sociale ou du salarié. Rappelons qu’une visite de reprise obligatoire, à l’initiative de l’employeur, doit être organisée par celui-ci dans les 8 jours qui suivent le reprise du travail; elle a pour objectif de déterminer l’aptitude du salarié à tenir son poste, de préconiser l’aménagement de celui-ci ou de proposer au salarié des mesures de reclassement dans un autre poste.
  • Incitations financières à la présence. Souvent utilisée, cette mesure permet dans certains cas de réduire les absences ponctuelles. Mais elle risque aussi de favoriser le présentéisme et d’empêcher de reconnaître à sa juste valeur le signal que représente l’absentéisme. On peut également trouver un effet pervers du type « quitte à avoir perdu la prime de présence, autant rester absent plus d’une journée ».
  • Mise en place d’un plan de prévention des TMS (troubles musculo-squelettiques) passant, entre autres, par l’ergonomie du poste de travail
  • Mise en place d’un plan de prévention des RPS (risques psychosociaux) permettant l’amélioration des conditions de travail
  • Mise en place d’entretiens de retour/ de ré accueil

Notons que lors d’un arrêt de travail long, et sous réserve de l’accord du salarié, le contact peut être maintenu, par mail ou téléphone, par le hiérarchique direct et/ou le DRH. Ce maintien du contact permet de prendre des nouvelles du salarié, de donner des nouvelles du service et de l’équipe, d’anticiper une éventuelle prolongation ou de valider la date de reprise.

Gros plan sur l’entretien de retour

Les principaux objectifs de l’entretien de retour sont :

  • Préparer, accompagner et faciliter la reprise du salarié sur son lieu de travail
  • Identifier les freins à la reprise
  • Comprendre les liens entre absence et cadre professionnel.

Ce type d’entretien, s’il est bien conduit, a de nombreux avantages que ce soit pour le manager, l’entreprise mais aussi pour le salarié. Le verrier Arc international a formé, depuis 2014, 500 managers à ce type d’entretien et 96% des collaborateurs reçus dans ce cadre se déclarent satisfaits du dispositif. Attention toutefois, lors de ces entretiens, à respecter strictement le cadre légal, à savoir le respect de la vie privée et l’obligation de secret médical (Article 9, alinéa 1 du code civil et Article 8 de la convention européenne de la sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales).

L’entretien de retour ne doit donc, en aucun cas, être :

  • Un règlement de comptes
  • Une intrusion dans la vie privée du salarié
  • Une tentative pour découvrir la maladie du salarié
  • Un entretien de culpabilisation du salarié
  • Un entretien discriminant (les règles et procédures doivent être les mêmes pour tous les salariés).

Les modalités de recours de cette mesure peuvent faire l’objet d’une consultation au CHSCT et les managers peuvent être formés à leur conduite (Sophie Morin Conseils vous propose ce type de formation).

Afin d’optimiser ces entretiens de retour, le manager devra idéalement :

  • S’organiser en amont de la reprise du collaborateur (rencontre avec les RH si besoin, information de l’équipe sur les dates et conditions de reprise supposées, mise à disposition du poste de travail et/ou des équipements de travail…)
  • Préparer l’entretien (rassembler les éléments factuels, non confidentiels, liés à l’arrêt, ainsi que l’historique des événements importants qui se sont produits pendant l’arrêt…)
  • S’organiser le jour de la reprise pour accueillir le collaborateur et se rendre disponible environ 30 minutes pour conduire l’entretien.

L’entretien comprendra 4 grands temps :

  • L’accueil qui permettra de repréciser les objectifs et le déroulé de l’entretien
  • L’identification des craintes et attentes du salarié ainsi que les éventuels liens entre l’arrêt et les conditions de travail
  • La définition des objectifs et de l’organisation de travail, en gardant en tête deux principes : participation et progressivité. La reprise du travail est idéalement organisée avec le salarié et une reprise progressive va limiter les situations d’échec.
  • La conclusion

L’écoute active sera l’outil clé à développer lors de ces entretiens en mettant l’accent sur la bienveillance, la reformulation, le questionnement et l’empathie.

Assurer le retour au poste

Notons que l’accueil et le soutien du supérieur et des collègues demeurent cruciaux pendant la période de retour au poste.

Un entretien avec le manager peut être programmé 1 à 3 semaines après le retour afin de faire un point sur les éléments suivants :

  • Les actions décidées ont-elles pu être mises en place ?
  • D’autres ajustements sont-ils nécessaires ?
  • Le salarié semble-t-il bien dans son poste ?

Pour conclure cet article, je souhaiterais insister sur un levier important, celui de la reconnaissance, en l’illustrant par deux données :

  • Le manque de reconnaissance multiplie par trois la probabilité de signaler un état de santé dégradé
  • On note une diminution de 10% de l’absentéisme pour un salarié reconnu par sa hiérarchie, qui bénéficie d’autonomie dans son travail et qui peut développer ses compétences professionnelles.

… un outil peu coûteux et efficace !

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