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Etre femme et manager : un mariage difficile?

Alors que l’égalité hommes-femmes est théoriquement acquise, les faits vont montrer qu’une différence existe encore largement dans le monde du travail. Après quelques années de consultation où je suis certaines femmes qui s’épuisent à concilier vie personnelle et vie professionnelle, j’ai souhaité creuser ce sujet. femme enceinte 2

 Place de la femme dans le travail 

Les femmes vont globalement estimer qu’il est plus difficile d’être une femme dans le monde du travail. A cela, trois raisons :

1- le monde du travail a été construit par les hommes et repose donc sur des règles établies par et pour les hommes (…normal, nous avons fait la même chose à l’intérieur de la maison…). Alors quelles sont ces règles méconnues des femmes ?

  • Le faire savoir est aussi important que le savoir faire
  • C’est un jeu compétitif mais quand on perd, on l’accepte, sans rancune
  • On a confiance en soi
  • Les alliés sont essentiels et on s’inscrit dans les pas des leaders

2- le sexisme est encore très présent. Il faut rappeler que le travail de la femme est récent dans l’histoire de l’humanité : environ 150 ans sur 6 millions d’années (quand je parle de travail de la femme, je parle de travail dans une structure autre qu’une maison car effectivement gouvernantes, cuisinières et autres ont exercé bien avant le 19ème siècle). Je vous laisse donc faire le calcul : 0,001%…Il est donc normal que les comportements égalitaires ne soient pas encore « intégrés ». Pour autant, il ne faut pas oublier que les comportements sexistes à l’égard des hommes existent aussi dans des milieux très féminins (… on parle toujours de « sages-femmes » alors que les hommes représentent 10% des effectifs sur les dernières promotions). Ainsi, fin 2013, 81% des femmes et 59% des hommes considéraient être régulièrement confrontés à des attitudes ou des décisions sexistes sur leur lieu de travail.

3- il n’existe pas réellement de conscience collective féminine en France :

  • on trouve souvent plus de jalousie et de rivalité entre femmes que de solidarité
  • le terme de « sororité » a peu de signification là où le terme « fraternité » est très présent (et oui fraternité/égalité….). Il faut préciser que cette sororité est développée dans d’autres cultures (surtout africaines)
  • il existe moins de réseautage que chez les hommes

Les inégalités

Les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes. Normal me direz-vous, les femmes sont 5 fois plus souvent à temps partiel…sauf que, ramené au salaire horaire, il reste encore une différence de 16%, même quand la femme ne s’est pas arrêtée de travailler pour élever ses enfants.

Et pourtant les femmes font des études plus longues et réussissent globalement mieux leurs études, alors comment expliquer ce phénomène ?

une part de responsabilité de l’entreprise : les stéréotypes féminins vont desservir les femmes à qui on proposera moins spontanément des promotions. Environ une personne sur deux croit à un stéréotype du type : « une femme est moins disponible », « une femme privilégie sa vie de famille ».

une part de responsabilité des femmes elles-mêmes… et oui , au début de leur carrière un homme et une femme se voient, en général, proposer le même salaire … sauf qu’un homme négocie presque systématiquement ce salaire et qu’une femme va accepter le salaire proposé (…remerciant en plus pour la confiance qu’on lui fait…). Ensuite, les femmes vont demander moins de promotions et d’augmentations : dans l’année de l’embauche, 23% des hommes demandent une augmentation contre 13% des femmes et 72% des femmes ne demanderont jamais de promotion de toute leur carrière professionnelle! Les inégalités vont donc s’accentuer :

  • l’écart de salaire va continuer à se creuser, avec une différence de 30% pour les cadres
  • on ne trouve que 32% de femmes dans le management (et 21% dans le top management)
  • Moins de 10% de femmes sont présentes dans les instances dirigeantes des entreprises.

Là encore, double responsabilité :

– plus on grimpe dans la hiérarchie, plus l’entreprise estime qu’il faudra de la disponibilité

– les femmes ne vont pas oser postuler car d’une part elles pensent ne pas être légitimes (nous sommes à nouveau face à l’activation de stéréotypes tels « une femme est moins disponible qu’un homme ») et d’autre part, elles ont un rapport difficile au pouvoir : c’est le risque d’exercer des frustrations sur les autres mais aussi d’être critiquée, de « passer pour une méchante, une incapable ou une usurpatrice ». Enfin de façon générale, une femme attend d’avoir 100% des compétences pour postuler (là où un homme se lance dès 50%). C’est pourquoi on peut affirmer que le plafond et les parois de verre sont « dans la tête » des femmes. Une des questions est de savoir si les femmes ont raison de s’autocensurer.

Existe-t-il des différences en termes de management ?

Les femmes vont avoir de vrais atouts :

  • Elles sont à l’écoute et ont le souci de l’autre
  • Elles sont intuitives (ce qui est facteur favorable par exemple dans la prise de décision)
  • Elles savent gérer plusieurs tâches à la fois et ont le sens de l’organisation
  • … Et elles osent exprimer leurs émotions (là où les hommes ont été habitués à brider leurs émotions….)

Elles vont ainsi développer spontanément un management plus coopératif, plus participatif (bien évidemment un type de management que l’on peut trouver aussi chez les hommes).

Pour autant, seules 12% des personnes préféreraient être managées par une femme (60% étant indifférent au genre) et il faut noter que les femmes elle-mêmes sont deux plus réticentes que les hommes à être managées par une femme. Ceci traduit peut être le fait qu’une femme peut présenter des fragilités dans son management :

  • une gestion parfois délicate des émotions : trop montrer ses larmes ou sa colère va conduire à être traitées d’hystériques, trop cacher ses émotions va nous faire passer pour « trop froides »,
  • Une difficulté à trouver la bonne distance : materner « je suis la maman du service », faire le travail des autres, vouloir trop en faire pour prouver ses compétences, souffrir de ne pas être aimée,…
  • Ensuite, et surtout, un manque de confiance en soi : une femme pense presque toujours qu’elle pourrait faire mieux et a tendance à s’excuser beaucoup plus souvent qu’un homme. Ce manque de confiance en elle va nuire à son leadership.

Comment faire évoluer la situation au niveau individuel ? Chaque femme peut, à son niveau, faire bouger les choses :

  • En retravaillant des notions comme son rapport au pouvoir (en se disant que le pouvoir c’est aussi la possibilité de changer positivement les choses), sa culpabilité (donc en acceptant d’abandonner les idéaux de perfection…) mais aussi son rapport à l’argent (dans l’inconscient collectif, pendant des siècles, les seules femmes à demander de l’argent étaient les prostituées…)
  • en développant son leadership :
    • en étant plus visible en interne (accepter des projets transversaux, des participations à des congrès,…) mais aussi à l’extérieur (en osant frapper à la porte des réseaux féminins, en créant un profil sur Viadeo, LinkedIn,..)
    • en développant l’affirmation de soi : apprendre à dire non et à demander,
    • en développant sa confiance en soi : on arrête l’autodénigrement et on apprend à voir le positif en nous (je vous invite à (re)visionner les publicités Dove).
  • en apprenant à concilier vie personnelle et vie professionnelle. 80% des femmes estiment difficile de concilier leurs 2 vies et elles payent cher en fatigue et stress le fait de vouloir être à la fois bonne maman, bonne épouse et bonne professionnelle. Apprendre à gérer son temps, à prendre du temps pour soi et renoncer à être parfaite seront les axes clés.

Comment faire évoluer la situation au sein de l’entreprise ?

Une partie va relever d’une obligation légale :

  • la loi de 2011 d’égalité professionnelle oblige, entre autre, les grandes entreprises à nommer d’ici 2017 40% de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance (nous étions à 20% en 2014)
  • L’accord qualité de vie au travail de 2013 qui prend également en compte l’égalité professionnelle
  • La loi sur le harcèlement moral et la discrimination
  • La loi sur le harcèlement sexuel (près de 50% des femmes déclarent avoir été confrontée à des avances sexuelles sur le lieu de travail….)

Faut-il uniquement regarder l’aspect légal ? Ce serait passer à côté d’un avantage pour l’entreprise car la mixité est facteur de performance. Les équipes contenant plus de femmes démontrent une plus grande sensibilité sociale et une plus grande intelligence collective. La tendance à coopérer efficacement est liée au nombre de femmes dans un groupe, les études estimant qu’il faut un minimum de 30% de femmes dans un comité de direction. Dans les entreprises ayant un taux d’encadrement féminin supérieur à 35%, la rentabilité de l’entreprise a augmenté de 96%, la productivité de 34% et les emplois générés de 157% !

Au-delà du fait de proposer plus de promotions à des postes managériaux, l’entreprise peut également agir en pratique sur différents points :

  • Elargir la tranche d’âge de repérage des femmes à potentiel (longtemps fixée à 35-45 ans)
  • En agissant sur le sexisme :
    • Formation des managers à la détection des comportements sexistes
    • Modification du règlement intérieur et sanction des comportements sexistes
  • En aménageant les horaires : flexibilité des horaires d’arrivée et de départ, adaptation des horaires de réunions (début 9h30- fin 18h30).
  • En développant une culture de la parentalité :
    • Formation des managers à la prise en compte de la situation parentale de leurs collaborateurs
    • Crèches d’entreprise

Je vous invite à visiter le site de l’observatoire de la parentalité en entreprise qui possède une documenthèque très intéressante http://www.observatoire-parentalite.com/documentheque/guides-et-publications/guides.html

Je souhaiterais conclure cet article par l’objectif du programme Eve de Danone qui propose un séminaire annuel pour développer le leadership féminin (ouverts aux hommes et aux femmes) : « pour contribuer à la construction d’individus forts et inspirants, en nombre suffisant dans l’entreprise pour leur permettre d’y porter le changement. Parce que la responsabilité est partagée entre l’entreprise et les femmes ».

N’hésitez pas à contacter Sophie Morin Conseils pour une intervention sur ce thème lors d’un séminaire ou pour une formation de 2 jours en intra-entreprise (programme sur demande).

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